Nos camarades de Moscou ont pris l’occasion du cinquantenaire de la mort de Bakounine pour organiser, dans la grande salle du Musée polytechnique, un meeting de commémoration auquel ont parlé les quelques anarchistes laissés encore intacts dans un pays où le « prolétariat » est maître… Parmi les orateurs était notre amie Sophie Kropotkine, veuve de notre grand disparu, qui ne put passer sous silence le régime oppresseur sous lequel le peuple vit aujourd’hui en Russie. Elle déclara du haut de la tribune que la Russie actuelle ne possédait ni la liberté de parole, ni la liberté de presse… ces bases fondamentales de toute société humaine. Un tonnerre d’applaudissements salua ces paroles… et fut suivi de 45 sifflets appartenant aux 45 communistes munis des 45 cartes d’entrée que le Parti communiste avait demandé pour ses adhérents aux organisateurs du meeting ! Quelques-uns de ces informateurs officiels ne manquèrent pas de crier à l’adresse de nos amis : « C’est nous qui avons fait la révolution, pas vous. »
Nous n’en doutons pas. Il n’y’a qu’à regarder ce qui se passe autour, en Russie, pour être absolument sûrs que ce sont, en effet, eux qui l’ont faite, la pauvre révolution, ou plutôt qui l’ont défaite.
Nous ne savons pas encore si, après information des 45 faiseurs de révolution, la Tchéka s’en est mêlée… Il se peut que la mort de Dzerjinskv a un peu désorienté nos tortionnaires marxistes.