Au
point de vue de la simple raison, la guerre, de prime-abord, donne
l’impression d’un phénomène morbide
de la mentalité des peuples, qu’on peut, sans exagération,
qualifier de démence collective.
Cette
impression n’est nullement démentie par la
réflexion. Un examen plus attentif et plus approfondi des
causes et des conditions du phénomène, ne fait que la
renforcer et la confirmer.
Après
une observation sérieuse et positive des faits, il demeure
évident que cette démence est bien réelle et
qu’elle s’identifie avec une maladie connue : La
mégalomanie ou folie des grandeurs.
Cette
affection mentale très répandue, se rencontre
surtout chez les individus déséquilibrés,
inférieurs et brutaux, assez infatués d’eux-mêmes
pour se croire supérieurs et destinés à
dominer et commander les autres. Toutes les personnalités
ambitieuses, autoritaires et violentes investies du pouvoir de
gouverner les peuples ; et toutes celles qui y prétendent, sont
naturellement atteintes de cette monomanie.
Tant
que cette affection demeure individuelle, elle est peu
dangereuse. Mais elle est contagieuse, épidémique et
devient, par cela, facilement collective.
C’est
alors, qu’oscillant entre le délire de la
domination et le délire de la persécution ; elle
aboutit fatalement à la crise de folie belliqueuse et
se résout dans le sang des humanités affolées.
En
politique, la mégalomanie collective se nomme
impérialisme. Le chauvinisme, le nationalisme, le
patriotisme sont les aspects vulgaires de cette névrose
propagée par les dirigeants qui en sont toujours infectés
et n’hésitant pas à en contaminer les
peuples pour les entraîner dans leur folie et en faire,
à la fois les complices, les instruments et les victimes de
leurs projets extravagants.
Le
procédé est universel et fût de tous les temps.
Partout et toujours, les meneurs de peuples présentèrent
leur folle ambition sous le couvert de l’intérêt
commun, national et patriotique.
Quand
un individu prétend parler et agir au nom de tous ; au nom des
intérêts publics ; au nom de la grandeur, de la gloire,
de la défense Nationale ; en un mot, au nom de la Patrie, on
peut être certain, neuf fois sur dix, que c’est un fripon, si
ce n’est un imbécile ou un fou.
Prétendre
parler et agir au nom de tous, c’est se placer au-dessus
de tous. C’est se croire et se déclarer supérieur à
tous. Or, que cette manifestation de mégalomanie très
caractérisée émane d’un individu visant à
l’autorité sur d’autres individus ; ou d’une nation
tendant à l’hégémonie sur d’autres nations,
c’est une folie identique. L’une est individuelle
et l’autre collective. C’est la seule différence.
Il
faut donc tenir pour suspect tous les aventuriers, les énergumènes,
les charlatans, les pourfendeurs, les va-t-en guerre et les héros
qui se prétendent nationalistes ou patriotes et ne s’affublent
de ces qualificatifs favorables que pour mieux capter la confiance
des gogos et dissimuler leurs entreprises criminelles contre les
nations et les patries. Car, dans chaque pays, le masque du
patriotisme sert à couvrir les fourberies et les méfaits
des dirigeants qui ne songent qu’à trahir, piller,
et massacrer leurs propres peuples en se targuant de leur
assentiment.
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Quand
une nation excitée par ses dirigeants mégalomanes veut
s’agrandir et s’enrichir, elle médite toujours d’en attaquer
une autre. D’où le délire de la domination.
D’autre part, attribuant à ses voisines des intentions
identiques, elle est sans cesse en proie à la terreur
obsédante d’en être attaquée elle-même.
D’où le délire de la persécution. Affolée
par le souci de sa sécurité rendue précaire et
impossible par des armements réciproques, son idée
fixe est de prévenir l’agression et, tout en se tenant sur
une défensive ombrageuse, de préparer l’occasion d’une
offensive avantageuse. La préméditation, des deux
côtés, étant la même, le conflit est
toujours imminent et forcément inévitable.
C’est
ainsi que les nations, perverties par leurs dirigeants, deviennent
mégalomanes et que la folie des grandeurs
communiquée aux peuples, par ceux qui les gouvernent se
transforme en folie collective, militaire et guerrière, pour
le plus grand triomphe et le plus grand profit des aliénés
supérieurs qui se croient appelés à mener
tout ce monde de fous.
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Est-ce
une loi de la vie qui pousse les hommes à se surpasser, se
dominer les uns les autres, dans l’illusion puérile
d’atteindre une grandeur qui ne peut être qu’imaginaire ?
L’observateur sagace cherche en vain dans la nature un exemple de
cette aberration que Nietzsche, ce fou avéré, appelait
pompeusement : La volonté de puissance.
Dans
le règne végétal et animal, rien ne révèle,
chez chaque individu, qu’une volonté de vivre sagement limitée
au développement normal des virtualités de son être.
De prétentions à diriger, commander, dominer, exploiter
les autres êtres, on ne trouve pas trace.
L’homme
est le seul animal qui, ne sachant pas lui-même se conduire,
aspire néanmoins à conduire les autres.
Et,
le malheur de l’espèce est qu’il se trouve toujours, pour
favoriser la monomanie dominatrice des meneurs, une foule
d’idiots qui ne demandent qu’à être menés.
Fous
délirants, d’une part ; stupides croyants, de
l’autre, finissent par s’accorder dans une commune démence ;
et, de cet amalgame insane mais homogène, résulte la
jolie société dans laquelle nous vivons… si,
toutefois cela peut s’appeler : vivre.
C’est
une chose effroyable de penser que l’horrible boucherie qui terrifia
le monde durant quatre ans, a été voulue, préparée,
menée, consommée et approuvée parce qu’on est
convenu de considérer comme l’élite de l’humanité.
La
postérité jugera. Mais, dès à présent,
je n’hésite pas à affirmer que tous les dirigeants
capitalistes qui ont présidé à ces hécatombes
monstrueuses, en vue de vils et inavouables intérêts,
décorés des plus sublimes prétextes, n’étaient
que des fous furieux, de criminels déments et des
dégénérés qui ne relèvent que
de la douche, de l’aliéniste et du cabanon.
Lux