Un des plus anciens, un des plus noble moyens d’expression de la pensée, la plus vivante traduction du drame humain, la plus universelle aussi, le Théâtre, est-il condamné à disparaître. Subira-t-il le destin de la Poésie, dont les rythmes millénaires, basés pourtant sur des lois physiologiques indiscuté ne semblent plus prisés que par des traditionalistes ou par certains instinctifs souvent incultes mais qui ont deviné d’une façon surprenante les ordres suprêmes de la métrique. Ainsi en fut-il de cette admirable et si remarquable Tessandier. À quatorze ans elle gardait les oies. Longtemps illettrée, fille du peuple, elle se sentait déjà « aspirée », comme elle me le dit un jour, par les héroïnes éternelles « qui parlaient le langage des Dieux ». Quelques années plus tard, sans briser les cordes d’or de sa lyre, elle excellait dans les drames les plus réalistes. Et ce fut l’inoubliable Thérèse Raquin du drame de Zola, où la seule expression de son visage de paralysée eût enthousiasmé un cinéaste.
Je ne voudrait pas passer pour un de ces vieillards qui, dans ma jeunesse, me disaient trop souvent : « Ah ! Si vous aviez vu un tel ! »
Il y a aujourd’hui, dans tous les domaines et dans tous les pays, des acteurs qui égalent et parfois surpassent leurs aînés disparus, les bons auteurs ne manquent point et je demeure persuadé que cet ensemble serait à même de produire la pièce que tant de foules attendent, celle qui correspondrait à la fois aux soucis ordinaires de chacun et à l’angoisse de la conscience contemporaine si dispersée et secouée, si en lambeaux qu’on peut affirmer qu’elle constitue un phénomène nouveau.
C’est de celle pièce que je voudrais vous entretenir ; c’est elle que j’aimerais à voir surgir, même imparfaite, même réduite à une simple tentative, car je ne doute point des réalisations qui seraient suscitées par ses imperfections elles-mêmes.
Il me semble que ce titre « Défense de l’Homme » pourrait être l’amorce d’une vaste pièce, un point de départ, un germe.
« Mais où la jouer, cette pièce, quand bien même elle serait écrite, objecte quelqu’un à côté de moi. Voyez, on ne joue que des vieilleries… ou on est envahi des « nouveautés » américaines ! Et puis vous savez bien que pour couvrir les prélèvements scandaleux du fisc, pour que le prix des places ne dépasse. point celui du cinéma, il vous faut une salle immense. Où la trouverez-vous ? Et sera-t-elle pleine ? Et les capitaux ? Quel directeur connaissez-vous, assez audacieux, pour risquer les siens dans une entreprise de ce genre ? »
Ces objections sont justes. D’ailleurs, elles m’ont été faites par une des personnalités les plus averties sur « la chose théâtrale ». Aujourd’hui, un immense chef-d’œuvre, réalisé sur le papier, a bien des chances pour n’être jamais éclairé par les feux de la scène.
Mais cet état de choses est-il définitif ?
Je réponds : non.
Et je vous dirai prochainement ce qu’il faut faire pour que le théâtre, le vrai, retrouve un magnifique essor.
Je vous le dirai… à moins que je n’aie à vous parler d’une pièce si belle que je m’efforcerai de vous en convaincre pour que vous alliez l’applaudir.
Aurèle Patorni