La Presse Anarchiste

Je crois à la conscience

Je suis un artiste et, for­cé­ment, c’est en artiste que je pense et agis. Ça ne m’empêche pas d’être un homme, mais il me sem­blait impor­tant de pré­cis­er ce qui précède.

D’abord, et c’est l’essentiel, je crois à la con­science. À la con­science dans le tra­vail, à la con­science dans la vie. Je demeure per­suadé qu’elle peut, cette con­science, nous inter­dire de la façon la plus formelle d’accomplir cer­tains actes qu’aucun argu­ment ne pour­ra ren­dre accept­a­bles. Et, puisque je suis un artiste, je pense qu’à vingt ans Arthur Rim­baud avait mieux à faire que des demi-tours sur lui-même dans une cour de caserne. Et, modestement

— j’ai été exemp­té de ser­vice militaire
— je crois avoir accom­pli un tra­vail plus impor­tant en demeu­rant dans mon ate­lier qu’en apprenant cer­taines formes de l’art de la guerre.

Mais il ne s’agit pas seule­ment d’artistes. On le sait. Car, même s’ils n’ont rien de mieux à dire, je com­prends admirable­ment que des jeunes gens obéis­sent à des exi­gences morales ou religieuses. À des exi­gences de conscience.

Notre époque nous a per­mis de savoir qu’on ne peut rien con­tre cer­taines répug­nances ou cer­taines atti­rances. Nous entrons là dans un domaine qui ne relève pas du juge­ment hâtif. J’espère que cette époque à laque­lle j’appartiens et dont je ne veux pas me désol­i­daris­er com­pren­dra, enfin, qu’elle ne peut rien non plus con­tre la con­science indi­vidu­elle et qu’elle fini­ra par la respecter.

Bernard Buf­fet