L’esprit de création n’est autre que la transcendance de l’esprit de contradiction et il n’existe pas d’acte héroïque sans désobéissance. Les règles et les disciplines semblent faites pour que l’exceptionnel s’y oppose et change le rythme mortel de l’habitude. Le héros s’élance vers l’acte sans réfléchir. C’est l’anti-intellectuel type. Un fil le sépare de la honte. S’il triomphe, c’est en payant très cher sa réussite, et, généralement, il meurt en s’imaginant qu’elle est un échec. C’est la loi du qui perd gagne qui étonne à travers les siècles la loi du qui gagne perd. L’immédiat (ce veau d’or que l’actualité idolâtre) y semble ridiculiser le règne des martyrs. Mais la loi reste la loi. Une sombre justice (je devrais écrire justesse) veille et condamne le succès conventionnel à l’oubli.
Le XIXe siècle ensevelissait l’artiste dans une conspiration du silence. Il n’en pouvait sortir que par un scandale (même confidentiel) :… la jambe de Rimbaud, l’oreille de Van Gogh, les insultes qui saluèrent le Sacre, Parade, les Mariés de la Tour Eiffel et toutes nos entreprises.
En 1958, c’est la conspiration du bruit. On ne l’évite que par un silence. Voilà pourquoi je cherche un refuge dans le secret de la musique de chambre, des poèmes qui échappent glorieusement à la première page en couleurs des magazines.
Vive la révolte ! Vive la sainte désobéissance interdite aux jeunes dans une époque trop libre, vive l’objecteur qui cherche à vaincre l’ignoble dépersonnalisation vers laquelle une faiblesse prise pour une force nous entraîne.
Vive l’assassin des habitudes !
Jean Cocteau