À signaler une nouvelle offensive de l’esprit militariste, déclenchée, cette fois, par le gouvernement militaire de Paris.
En voici la preuve.
Il y a quelques jours, une Circulaire a été adressée par le G.M.P. à tous les directeurs d’école.
Cette circulaire prévoit pour les élèves des écoles normales d’instituteurs, des écoles primaires supérieures, des écoles professionnelles, une préparation militaire du second degré. L’effet de cette préparation doit être d’orienter l’esprit et le cœur de la jeunesse vers les choses de l’armée, par le moyen de leçons de géographie, d’histoire militaire et d’éducation morale (l’esprit de sacrifice, le patriotisme, etc.) et par des conférences théoriques et des démonstrations pratiques. Les leçons d’éducation morale seront faites obligatoirement par des officiers et instructeurs de l’armée active.
Comme bien on pense, MM. les Directeurs d’école — la plupart, du moins — vont se plier, avec la meilleure grâce, aux injonctions des hommes de sabre.
Quatre ans après la plus sanglante et la plus meurtrière des hécatombes, le militaire est roi dans ce pays, et la puissance qu’il exerce n’est pas discutable.
Ses désirs doivent être pris pour des ordres qu’il est de bon ton d’exécuter sur-le-champ.
Préparation militaire du second degré, dit la note.
On devine les bienheureux résultats de cette préparation… à la prochaine dernière guerre. Car il ne fait aucun doute, aujourd’hui, que nos porteurs d’épée ont soif de revanche.
Leur victoire du 11 novembre 1918 ne les a pas complètement satisfaits et bon nombre de « pôvres » généraux ne s’estiment pas suffisamment récompensés de leurs « bons et loyaux » services du temps de guerre. Ces messieurs se jalousent et les lauriers des « vainqueurs » empêchent les malheureux « limogés » de dormir.
Mais comme la guerre ne se fait pas seulement avec des canons et des mitrailleuses, et qu’il faut des hommes, des centaines de milliers d’hommes, pour les faire marcher, le gouvernement militaire de Paris a eu l’heureuse inspiration de s’adresser à l’école, à toute la jeunesse en fleur, laquelle, au bout de quelques semaines, deviendra une très bonne manipulatrice d’armes.
On commencera par la préparation morale : l’esprit de sacrifice, le patriotisme et… autres balivernes. Les yeux de nos jeunes gens devront être constamment fixés sur le Rhin et leur unique préoccupation celle qui devra passer avant toute autre, sera la guerre.
Oui, la guerre !
L’Allemagne restera l’ennemi héréditaire et ce sera un crime que de vouloir songer aux « folles utopies » de paix universelle et durable, de rapprochement entre les peuples, etc…
Des balançoires, toutes ces chimères, scrongnieugnieu, disent les militaires blanchis sous le harnais — et même les autres, les jeunes.
Le meilleur moyen d’avoir la paix, proclament-ils, c’est d’entretenir une armée « forte et de préparer la guerre. »
Que deviennent alors les serments solennels de 1914 ?
Cette guerre tuera la guerre, répétait-on dans la presse et, dans les discours officiels.
Que de fois on l’a ressassée à nos 1.500 mille morts, cette formule creuse et vide de sens, qui n’avait pas même l’excuse d’un paradoxe.
Il s’est trouvé des gens assez crédules pour croire à la fallacieuse promesse de la « dernière des guerres ». Et le nombre des naïfs s’est d’autant plus accru, que certains « dirigeants » qui n’étaient ni ministres, ni députés tirent, à l’époque, chorus avec les gouvernants.
Nous posons la question à tous les directeurs s’ils vont consentir à se faire les complices des écoles précitées et nous leur demandons d’une boucherie qu’on prépare dans la coulisse et qui éclatera dans X… ans.
Nous aurons, nous en sommes sûr, le réconfort et la joie de constater que — s’il se trouve, en France, des « maîtres » pour accepter sans protester toutes les « propositions » des représentants du militarisme — il existe encore des hommes de conscience droite pour refuser d’obéir aux ordres de cette caste spéciale qui, de tout temps, a promené la ruine et la dévastation, provoqué les larmes et semé la douleur dans les cœurs.
Au panier, la circulaire !
Un Pion Émancipé
P.S. — À partir du mois de février, j’entretiendrai nos lecteurs de ce qui se passe
- À l’École Chrétienne ;
- À l’École Laïque ;
- À l’École Émancipée.