1. A l’intérieur
2 décembre 1921. — Briand revient de Washington, où il a déclaré formellement que la France, citadelle de l’Ordre, ne pouvait consentir la moindre diminution, ni en soldats, ni en munitions, dans une Europe désorganisée.
10 décembre 1921. ― Le vapeur Hornsee, qui transportait en Russie 10.721 sacs de riz, 79 caisses de pâtes alimentaires et 181 caisses de ballots d’effets : le tout d’une valeur de 1 million, versé par le prolétariat français, pour sauver de la famine quelques milliers de victimes, a sombré avec toute sa cargaison.
12 décembre 1921. ― Chômage volontaire des mineurs, pour protester par avance contre la prétention des Compagnies de diminuer les salaires.
17 décembre 1921. — Troisième anniversaire des fêtes du Peuple. Grande soirée artistique au Trocadéro, à cette occasion.
— Mort du musicien français Camille Saint-Saëns.
18 décembre 1921. — Briand, escorté de Loucheur et de toute la suite indispensable, part à Londres pour banqueter et converser avec Lloyd George.
21 décembre 1921. — Le commandant Pontanel, coupable de vol et détournements à la Coopérative de Melun, est condamné à 8 mois de prison par un Conseil de guerre.
Qu’aurait-il attrapé, s’il avait été simple soldat ?
22 décembre 1921. — Ouverture du Congrès Unitaire, 33, rue de la Grange-aux-Belle.
1.484 syndicats sont représentés.
23 décembre 1921. — Deuxième journée du Congrès Unitaire, 1.528 syndicats ont envoyé des délégués.
Ce Congrès a été convoqué par les Minoritaires par suite de la violation, par la C.G.T. officielle, des décisions prises au Congrès de Lille au sujet des exclusions, par suite aussi du refus de publier la comptabilité du journal Le Peuple.
A ce Congrès, les chefs minoritaires, pour essayer de sauvegarder l’Unité, font toutes les concessions imaginables : retrait des syndicats des C.S.R. ; envoi d’une délégation à la C.G.T. pour l’inviter à assister au Congrès, malgré les protestations des véritables syndicalistes révolutionnaires fédéralistes, qui considèrent que la scission est faite depuis la déclaration de guerre 1914, depuis la trahison des chefs, depuis le reniement des décisions prises.
Mais la C.G.T. refuse de reconnaître le Congrès Unitaire, le juge comme un acte d’indiscipline syndicale, et la scission se consomme.
— À Paris et en province, la protestation contre l’impôt sur les salaires grandit. Les ouvriers retournent leurs feuilles à leurs syndicats et de là à leurs fédérations. Ces dernières les retourneront au ministère compétent en l’invitant, pour avoir de l’argent, à s’adresser aux profiteurs de guerre. Des meetings ont lieu à cet effet.
24 décembre 1921. — Troisième et dernière journée du Congrès Unitaire. Malgré l’opposition des libertaires et des syndicalistes à tendance libertaire, les chefs minoritaires essaient encore de sauver l’unité, détruite pourtant depuis longtemps, en sommant la C.G.T. de convoquer avant le 31 janvier un Congrès national des syndicats et fédérations. Ce Congrès se tiendrait dans les six mois suivants.
Comme il est hors de doute que la C.G.T. ne convoquera pas ce Congrès, les syndicalistes révolutionnaires obtiennent la nomination d’une Commission administrative et d’un bureau provisoire. C’est le commencement du redressement du syndicalisme.
25 décembre 1921. À Marseille, première journée du Congrès national du Parti Communiste français. Interpellations et discussion sur la politique générale.
26 décembre 1921. — Deuxième journée du Congrès du Parti Communiste français. — Lecture d’un Message de l’Exécutif de l’Internationale Communiste. C’est une longue suite d’ordres formels parmi lesquels nous retenons surtout le passage où il est recommandé au Parti Communiste de combattre énergiquement les idées anarchistes ou syndicalistes pures qui nient le rôle du Parti Communiste international dans l’œuvre révolutionnaire.
Après lecture de ce message, la discussion sur la politique générale continue.
— M. Philippe Berthelot, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, démissionne, à la suite de scandales financiers, entre autres de la faillite de la banque, dont son frère André Berthelot était un des chefs.
27 décembre 1921. — Troisième journée du Congrès du Parti Communiste. On y discute des rapports entre le Parti et les Syndicats.
28 décembre 1921. — La C.A. et le bureau provisoire nommés par les 1.528 syndicats représentés an Congrès Unitaire envoient un appel à la classe ouvrière et au prolétariat.
— Quatrième journée du Parti Communiste : Le Parti et la thèse agraire.
29 décembre 1921. — Cinquième journée du Congrès du Parti Communiste. Discussion sur la défense nationale et sur la question électorale.
Séance de nuit. Nomination du Comité directeur. Violents incidents. Par suite de l’échec de Souvarine au Comité directeur, Vaillant-Couturier, Loriot, Treint et Dunois. démissionnent de ce Comité, et comme l’ironie ne perd jamais ses droits, leur démission amène Souvarine à entrer dans le Comité Directeur.
L’Unité du Parti Communiste sort-elle compromise du Congrès de Marseille ? On peut le penser. L’avenir nous le dira.
3 janvier 1922. — Le secrétariat général des Affaires étrangères, vacant depuis la démission de M. Philippe Berthelot, est supprimé.
― Briand, suivi de Loucheur, part pour Cannes.
4 janvier 1922. — Arrestation par la justice militaire de Nancy, d’Ernest Vilgrain, accusé de désertion en présence de l’ennemi.
— Au 1er janvier, plus de deux cents instituteurs élus aux Conseils départementaux, ont démissionné pour protester contre la révocation de Marthe Bigot, après 26 ans d’exercice et contre les poursuites intentées aux instituteurs syndiqués.
8 janvier 1922. ― Les directeurs des Compagnies houillères et les mineurs, ont eu une entrevue à Douai. Aucune entente n’a pu avoir lieu. Les directeurs font savoir par la presse qu’à partir du 16 janvier, une première diminution de 2 fr. 50 par jour, sera effectuée sur les salaires, et une deuxième diminution identique à partir du 1er avril.
Que vont faire les mineurs ?
11 janvier 1922. — Souvarine fait savoir par radio qu’il donne sa démission de membre du Comité Directeur, et de représentant du Parti Communiste français à l’Exécutif.
— Ernest Vilgrain passera devant le Conseil de guerre le 23 janvier.
— Briand revient à Paris. Des divergences de vue se manifestent au sein du ministère, et le président de la République n’est pas satisfait de notre Premier.
12 janvier 1922. — Après un entretien dans la matinée avec M. Millerand, où sans doute les divergences de vue se sont affrontées, Briand, l’après-midi, indique à la Chambre ce qu’il a fait et, brusquement, quitte la tribune en s’écriant : « Voilà ce que j’ai fait, d’autres feront mieux. » C’est la démission.
M. Millerand charge M. Poincaré de former le nouveau ministère.
13 janvier. — Poincaré s’efforce de trouver ses sous-verges ; lui prendrait le ministère des affaires étrangères.
15 janvier. — Le ministère Poincaré est constitué.
À l’extérieur
1er décembre 1921. ― Émeute à Vienne (Autriche). Les ouvriers poussés par la faim et la mmisère pillent les boutiques et saccagent les hôtels.
6 décembre 1921. — Un traité est signé entre l’Angleterre et l’Irlande. Est-ce la paix ?
17 décembre 1921. ― La Commission des réparations repousse les propositions allemandes.
18 décembre 1921. — Nansen lance un émouvant appel. Il demande d’urgence des secours imminents pour la Russie affamée.
22 décembre 1921. — À Londres, Briand et Lloyd George décident que le Conseil suprême se réunira à Cannes dans les premiers jours de janvier.
— L’Orient-Express entre en collision avec l’express Trieste-Rome. Nombreux morts et blessés.
23 décembre 1921. — En Égypte, soulèvement en faveur de l’Indépendance. Répression par les autorités anglaises. Morts et blessés.
― Le Conseil suprême qui doit se réunir à Cannes, aura à discuter sur :
- Le réajustement des réparations ;
- La ratification de l’accord de Wiesbaden ;
- La ratification de l’accord financier du 13 août ;
- La question d’une alliance franco-anglaise ;
- La reconstruction économique de l’Europe, y compris l’Allemagne et la Russie.
24 décembre 1921. — Ouverture du 9e Congrès panrusse des Soviets.
— Refus de la demande en révision du procès Sacco-Vanzetti.
26 décembre 1921. — En Égypte on se bat. Morts et blessés à Port-Saïd.
27 décembre 1921. — Morts et blessés au Caire.
— Appel du Comité exécutif de l’Internationale Communiste en faveur de la Russie affamée.
— La France refuse à la Conférence de Washington de diminuer son tonnage de sous-marins.
28 décembre 1921. ― Les Égyptiens décident de boycotter les produits anglais.
29 décembre 1921. — L’Italie et la Russie ont signé un accord commercial.
— La révolte en Égypte continue. Zaghioùl pacha et quelques-uns de ses partisans sont déportés à Ceylan.
— La banque italienne Banco di Sconto dépose son bilan.
31 décembre 1921. — Bagarre entre marins italiens et indigènes de Chebenik, créant un incident diplomatique entre l’Italie et la Yougo-Slavie.
3 janvier 1922. — En Russie, la famine continue ses ravages, surtout sur les enfants.
4 janvier 1922. — La Mésopotamie se révolte contre l’Angleterre.
— L’Internationale Communiste convoque pour le 10 février une conférence de tous les partis affiliés.
5 janvier 1922. — Le syndicaliste espagnol Nin, arrêté à Berlin, retour de Russie, et accusé d’avoir participé au meurtre de Dato, est mis en liberté.
― En Russie, dans les provinces affamées, 2.000 personnes meurent chaque jour, faute de secours.
6 janvier 1922. ― La séance du Conseil suprême s’est ouverte à Cannes. Lloyd George a prononcé un discours repoussant toute idée de coercition à outrance envers les vaincus et les Russes, et sollicitant un rapprochement économique entre toutes les nations européennes, y compris la Russie, mais en exigeant certaines garanties pour cette dernière.
Briand a accepté en principe, à contre-cœur sans doute, car il craint les conséquences de son acceptation à la Chambre du bloc national.
— Le premier train de secours, organisé par le prolétariat français, pour venir en aide aux affamés russes, partira de Metz le 15 janvier.
― Nouveaux troubles en Irlande. Morts et blessés à Belfast. — Pillage de banques à Dublin.
― En Italie, après la « Banco di Sconto », la « Société Lloyd de Méditerranée » vient de demander le moratorium.
7 janvier 1922. — Dail Eireann ratifie l’accord entre l’Angleterre et l’Irlande.
— On annonce d’Allemagne que Luis Nicolau et Joaquina. Concepcion, révolutionnaires espagnols emprisonnés à Berlin, seraient extradés en Espagne. ― Une prime de 1 million de pesetas est offerte par le gouvernement espagnol pour cette livraison.
Quelle honte pour le gouvernement allemand s’il cède à l’appas de l’argent.
— Sur la proposition de l’Angleterre, l’Allemagne participera à la Conférence de Cannes.
― Les Soviets participeront à la Conférence de Gênes, en mars.
9 janvier 1922. — Les Exécutifs de l’internationale Communiste et de l’Internationale syndicale lancent un appel pour l’unité de front du prolétariat.
― Une grande partie de la Russie est transformée en désert par la famine.
― La Russie fait savoir par radio qu’elle accepte de participer à la Conférence de mars à Gênes.
― Le Congrès des Socialistes Indépendants d’Allemagne s’ouvre à Leipzig.
— M. de Vallera, démissionnaire, n’est pas réélut président le la République irlandaise.
― A Belfast, violentes bagarres ; nombreux morts et blessés.
11 janvier 1922. — Pendant l’absence de Briand, le Conseil suprême ne siégera pas.
12 janvier 1922. — Briand annonce à Lloyd George sa démission de président du Conseil.
― En Espagne, démission du cabinet Maura.
13 janvier 1922. ― La démission de Briand ajourne le Conseil suprême, sine die ; mais les délégués, avant de se séparer, font savoir que les décisions prises d’un commun accord avant le départ de Briand, conservent toute leur valeur.
Le moratorium accordé à l’Allemagne entre donc en vigueur.
Et la Conférence de Gènes aura lieu en mars.
Léon Rouget