La Presse Anarchiste

Sursum corda !

Il me plait et il me semble utile de consa­crer les pre­mières pages de cette Revue aux réso­lu­tions qui ont été prises, par l’u­na­ni­mi­té des Anar­chistes réunis en Congrès, à Lyon, fin novembre 1921.

Ces réso­lu­tions pré­cisent admi­ra­ble­ment l’at­ti­tude des liber­taires à l’é­gard des prin­ci­pales ques­tions que les évé­ne­ments portent à l’ordre du jour.

Sim­ple­ment et clai­re­ment, elles expriment notre pen­sée ; sur chaque ques­tion, elles exposent, sans amphi­gou­risme, notre point de vue.

Elles font connaître ce que nous vou­lons et ce que nous ne vou­lons pas ; elles indiquent par quels moyens nous enten­dons abattre ce que nous ne vou­lons pas et réa­li­ser ce que nous voulons.

Elles nous situent net­te­ment, de façon à à ce qu’on sache, sans qu’il soit pos­sible de s’y méprendre, avec qui et contre qui nous sommes.

On pour­ra, certes, dis­cu­ter : c’est le propre de l’homme libre de lais­ser tou­jours les portes ouvertes au débat. Mais nos pires adver­saires ne sau­raient, sans mau­vaise foi, nous accu­ser d’é­qui­voque : le carac­tère des réso­lu­tions ci-des­sous, c’est la lim­pi­di­té et la franchise.

Ces réso­lu­tion, les voici :

La dictature du prolétariat et les anarchiste

Les anar­chistes rap­pellent qu’ils se sont déjà, l’an der­nier, pro­non­cés net­te­ment contre toute dic­ta­ture ; les évé­ne­ments de Rus­sie viennent confir­mer, sur cette ques­tion de la dic­ta­ture, l’exac­ti­tude de leurs concep­tions. S’ap­puyant sur cette expé­rience concluante, les anar­chistes se déclarent, plus que jamais, enne­mis de toute dic­ta­ture quelle qu’elle soit : de droite ou de gauche, de la bour­geoi­sie ou du prolétariat.

Le Congrès est heu­reux de consta­ter que, sur cette ques­tion, pla­cée par les évé­ne­ments au pre­mier rang des pré­oc­cu­pa­tions qui agitent le monde révo­lu­tion­naire, les anar­chistes sont tous abso­lu­ment d’accord.

L’organisation fédéraliste des anarchistes

La noblesse et la puis­sance de notre idéal, la pré­ci­sion de notre doc­trine, notre nombre et notre acti­vi­té devraient assu­rer à notre mou­ve­ment une influence pré­pon­dé­rante sur la pous­sée des peuples vers la Révolution.

Nous n’ac­quer­rons cette influence qu’en grou­pant et orga­ni­sant tou­jours plus for­te­ment nos élé­ments, en éta­blis­sant entre les indi­vi­dus, les groupes, les fédé­ra­tions, un lien moral et maté­riel, ain­si qu’une coor­di­na­tion des efforts qui res­pec­te­ront la liber­té de chacun.

En consé­quence, le congrès demande à tous les anar­chistes de ne plus res­ter inor­ga­ni­sés en face des Par­tis poli­tiques for­te­ment orga­ni­sés. Il insiste sur la néces­si­té de se grou­per pour don­ner plus de force à notre mouvement.

Les groupes de la même région s’u­nissent en Fédé­ra­tion régio­nale pour la pro­pa­gande inté­res­sant leur région. L’en­semble de ces Fédé­ra­tions consti­tue l’u­nion anar­chiste fran­çaise. L’U­nion anar­chiste est le lien qui rat­tache entre elles les Fédé­ra­tions ; elle sti­mule l’ac­ti­vi­té et la pro­pa­gande ayant un carac­tère natio­nal : en résu­mé, elle ras­semble les efforts de tous les anar­chistes de langue française.

Le congrès déclare que les indi­vi­dus, les groupes, les fédé­ra­tions demeurent entiè­re­ment libres de leur action propre, que les grou­pe­ments anar­chistes s’ad­mi­nistrent eux-mêmes de la façon la plus conforme au tem­pé­ra­ment de leurs adhé­rents ; au sur­plus, il confie à chaque groupe le soin de fixer ou de ne pas fixer de coti­sa­tions et de trou­ver, par les moyens leur sem­blant les plus effi­caces, les res­sources nécessaires.

Le congrès demande aux groupes de faire tous leurs efforts pour s’as­su­rer des res­sources régu­lières et de pré­le­ver sur celles-ci un pour­cen­tage, qu’ils fixe­ront eux-mêmes, des­ti­né à pro­cu­rer à leur Fédé­ra­tion régio­nale et à l’U­nion anar­chiste les moyens maté­riels indis­pen­sables à une action méthodique.

Le congrès appelle l’at­ten­tion des groupes :

1° ― Sur la néces­si­té de mettre à leur ordre du jour l’é­tude et la dis­cus­sion des prin­cipes fon­da­men­taux de l’a­nar­chisme, ain­si que l’exa­men atten­tif des ques­tions agraire, indus­trielle, etc., afin que les mili­tants soient en mesure de faire une pro­pa­gande sérieuse et documentée ;

2° ― Sur la néces­si­té de la pro­pa­gande auprès des femmes et de la jeu­nesse avec les moda­li­tés que com­porte un tel travail.

Le Congrès décide aus­si, en prin­cipe, la créa­tion d’é­coles de mili­tants dans les­quelles les cama­rades se for­me­ront à la pro­pa­gande par l’é­crit et la parole et acquer­ront les connais­sances indis­pen­sables à la vul­ga­ri­sa­tion féconde de nos idées.

L’attitude des anarchistes envers les partis politiques

Contre la guerre et pour l’af­faire Sac­co-Van­zet­ti, l’U­nion anar­chiste a for­mé, avec des orga­ni­sa­tions dites d’a­vant-garde, des comi­tés d’ac­tion. Au sein de ces comi­tés, les anar­chistes ont consta­té le mau­vais vou­loir appor­té par les Par­tis poli­tiques et leurs délé­gués à l’a­dop­tion de mesures pra­tiques, réa­li­sables et révolutionnaires.

S’ins­pi­rant de cette consta­ta­tion et après ces essais d’al­liance, stric­te­ment momen­ta­née, en vue de buts pré­cis, avec les Par­tis poli­tiques se récla­mant de la Révo­lu­tion, les anar­chistes déclarent reje­ter désor­mais toute idée d’en­tente avec quelque orga­ni­sa­tion poli­tique que ce soit.

Ils décident, pour l’a­ve­nir, de ne comp­ter que sur leurs propres forces quand ils juge­ront utile d’en­ga­ger et de pour­suivre une action quelle qu’elle soit.

Ils n’en ont pas moins le ferme espoir que les véri­tables révo­lu­tion­naires, momen­ta­né­ment four­voyés dans les Par­tis poli­tiques, n’hé­si­te­ront pas, mal­gré l’hos­ti­li­té ou l’op­po­si­tion des chefs, à leur appor­ter tout leur appui dans leurs actions futures.

Par ailleurs, les anar­chistes par­ti­ci­pe­ront à tout effort réa­li­sé par le Peuple pour son éman­ci­pa­tion, quels que soient les pro­mo­teurs de cet effort.

En toutes cir­cons­tances, les anar­chistes s’ef­forcent d’é­clai­rer et d’en­traî­ner les indé­cis, les timo­rés, les éga­rés, par les argu­ments leur doc­trine et par la per­sua­sion ; mais ils com­bat­tront avec éner­gie les chefs endor­meurs, châ­treurs et sabo­teurs de tout mou­ve­ment révo­lu­tion­naire et de tout affran­chis­se­ment véritable.

Sur cette ques­tion, leur mot d’ordre est : « tou­jours avec le Peuple, contre les chefs toujours ».

L’attitude des anarchistes vis-à-vis du syndicalisme

Le Congrès consi­dère que, d’une part, en tant que grou­pe­ment natu­rel des tra­vailleurs, le syn­di­cat est non seule­ment un orga­nisme de lutte quo­ti­dienne contre le patro­nat et le capi­ta­lisme, mais encore et sur­tout la base essen­tielle de toute vie économique ;

Que, d’autre part, en matière éco­no­mique, l’a­nar­chisme repose sur les prin­cipes suivants :

« Tous les moyens de pro­duc­tion et d’or­ga­ni­sa­tion de celle-ci doivent appar­te­nir aux producteurs;»

« Les tra­vailleurs sont les seuls maîtres de leurs destinées;»

« Toute orga­ni­sa­tion sociale doit par­tir de la cel­lule : l’in­di­vi­du, le pro­duc­teur, se grou­pant libre­ment et res­tant tou­jours auto­nome dans les orga­nismes suc­ces­sifs et coor­don­nés qui carac­té­risent et consti­tuent le Fédéralisme;»

« Une telle orga­ni­sa­tion sociale doit trou­ver dans le syn­di­ca­lisme son expres­sion économique. »

Dans ces condi­tions, le Congrès invite ins­tam­ment les anar­chistes à entrer et à res­ter dans les orga­ni­sa­tions syn­di­cales pour y mener la lutte :

1° Contre les « majo­ri­taires » ral­liés aux forces de conser­va­tion sociale et prê­chant le hon­teux syn­di­ca­lisme de guerre, c’est-à-dire le réfor­misme, la col­la­bo­ra­tion avec le patro­nat et le gou­ver­ne­ment bour­geois et abou­tis­sant, en défi­ni­tive, à per­pé­tuer l’as­ser­vis­se­ment du pro­lé­ta­riat au capitalisme ;

2° Contre ceux des « mino­ri­taires » qui cherchent à inféo­der le syn­di­ca­lisme à des par­tis poli­tiques et, sous des dehors volon­tai­re­ment équi­voques et nébu­leux, tendent à faire des tra­vailleurs non les maîtres de leurs des­ti­nées et les arti­sans libres de leur bon­heur, mais les esclaves d’un État soi-disant prolétarien ;

3° Contre le fonc­tion­na­risme ayant pour consé­quence fatale, sui­vant le mot de Fré­dé­ric Engels, de « trans­for­mer les fonc­tion­naires, organes et ser­vi­teurs de la Socié­té, en maîtres de la Société ».

Sur la ques­tion à lui posée : Amster­dam ou Mos­cou ? le Congrès déclare que les syn­di­cats n’ont à attendre, et encore moins à accep­ter, de mots d’ordre ni d’Am­ster­dam, ni de Moscou.

Auto­nomes et sou­ve­rains ils ont a expri­mer, en pleine indé­pen­dance, les dési­rs, les besoins et les aspi­ra­tions de la classe ouvrière dont il tient à le répé­ter, les syn­di­cats sont le grou­pe­ment naturel.

Tou­te­fois, puisque la ques­tion est ain­si posée : « Amster­dam ou Mos­cou ? » le Congrès estime que, si les syn­di­cats ne doivent ni res­ter à Amster­dam, ni aller à Mos­cou, il est cepen­dant néces­saire qu’ils s’u­nissent au-des­sus des fron­tières et il invite les anar­chistes grou­pés dans les syn­di­cats à sou­te­nir tout pro­jet ayant pour but la fon­da­tion et le fonc­tion­ne­ment d’une inter­na­tio­nale syn­di­cale révolutionnaire.

Le Congrès exprime la pen­sée que le fonc­tion­na­risme syn­di­cal est un mal dont il convient de réduire au mini­mum les redou­tables consé­quences : a) fonc­tion­na­risme place le mou­ve­ment. ouvrier entre les mains de per­ma­nents rétri­bués ; b) ceux-ci n’ayant plus les mêmes inté­rêts que les masses qu’ils dirigent sont enclins, à la longue, à s’en­dor­mir dans l’exer­cice de leurs pai­sibles fonctions.

C’est pour­quoi, le Congrès met les anar­chistes en garde contre la ten­ta­tion d’ac­cep­ter des postes rétri­bués et leur demande d’être les par­ti­sans réso­lus de la briè­ve­té des mandats.

Le Congrès ne doute pas que les cama­rades res­te­ront dans les syn­di­cats les repré­sen­tants de la belle phi­lo­so­phie et de l’ac­tion révo­lu­tion­naire dont ils sont les adeptes, les ser­vi­teurs pas­sion­nés et dés­in­té­res­sés du pro­lé­ta­riat contre les maîtres, les pro­fi­teurs et les para­sites quels qu’ils soient.

En consé­quence, les anar­chistes doivent évi­ter les fonc­tions rétri­buées, les postes rému­né­ra­teurs, en un mot tout ce qui pour­rait prê­ter à équi­voque et affai­blir la puis­sance et le rayon­ne­ment de leur propagande.

Ici, comme ailleurs, les anar­chistes se dévouent pour éclai­rer et gui­der les hommes ; ils dédaignent les récom­penses et méprisent les honneurs.

La presse anarchiste

Le Congrès estime que, si le mou­ve­ment anar­chiste ne pos­sède pas sur les masses popu­laires une influence pro­por­tion­née au nombre et à l’ac­ti­vi­té de ses mili­tants, c’est parce qu’il ne dis­pose pas suf­fi­sam­ment de cette force incom­pa­rable de pro­pa­gande et de péné­tra­tion qu’est la Presse.

Il insiste avec force auprès de tous les grou­pe­ments de pro­vince pour que notre presse locale et régio­nale prenne une exten­sion de plus en plus grande et que des jour­naux soient créés par­tout où un noyau de mili­tants est en état de le faire.

II demande aux cama­rades de répandre par tous les moyens : abon­ne­ments et vente au numé­ro, les organes géné­raux de notre doc­trine, tels que : le « Liber­taire » et la « Revue anarchiste ».

La langue internationale

Les Anar­chistes recon­naissent l’u­ti­li­té d’une langue inter­na­tio­nale. (Les avan­tages de celle-ne sont pas à expo­ser ici.)

N’é­tant point capables d’ap­pré­cier, en connais­sance de cause, la valeur res­pec­tive de l’Es­pé­ran­to et de l’I­do, ils se refusent à se pro­non­cer sur l’a­dop­tion de l’un plu­tôt que de l’autre.

Ils confient au pro­chain Congrès inter­na­tio­nal anar­chiste le soin de dis­cu­ter et de tran­cher cette question.

La solidarité entre anarchistes

Les anar­chistes ont tou­jours pra­ti­qué entre eux la soli­da­ri­té. Elle s’est constam­ment exer­cée dans le domaine moral et, autant qu’il a été pos­sible de le faire, dans le domaine matériel.

Ils res­tent fidèles à ces prin­cipes d’é­troite solidarité.

Ils déclarent que celle-ci est plus que jamais indis­pen­sable, en rai­son de l’ex­cep­tion­nelle répres­sion que subissent leurs com­pa­gnons de tous les pays.

Les anar­chistes ont le devoir de tendre une main fra­ter­nelle et secou­rable à tous ceux de leurs frères qui, en France comme ailleurs, sont mena­cés et persécutés.

Ces décla­ra­tions sont d’une clar­té et d’une pré­ci­sion telle, qu’elles se peuvent aisé­ment pas­ser de longs commentaires.

Aus­si, serai-je bref et me bor­ne­rai-je à quelques observations.

Remar­quez, tout d’a­bord, la sobre net­te­té avec laquelle les Anar­chistes s’af­firment contre toute dic­ta­ture quelle qu’elle soit : de droite ou de gauche, de la bour­geoi­sie ou du prolétariat.

Voi­là qui est caté­go­rique. Enne­mis de la Dic­ta­ture bour­geoise, les anar­chistes le sont et à un degré qui peut être atteint, mais ne peut être dépassé.

En outre, forts des leçons de l’his­toire et de l’ex­pé­rience, s’ap­puyant soli­de­ment sur les ensei­gne­ments du pas­sé et les consta­ta­tions des faits actuels, ils sont éga­le­ment les adver­saires irré­duc­tibles de toute dic­ta­ture que ten­te­rait de leur impo­ser qui que ce soit, au nom du pro­lé­ta­riat, d’un par­ti, ou de la révolution.

* * * *

Fidèles à l’es­prit de liber­té qui les anime, en par­fait accord avec la haine de l’au­to­ri­té, qui les carac­té­rise et fait des anar­chistes des « inadap­tables » et des êtres à part, ceux-ci s’or­ga­nisent libre­ment, en frères, en égaux, per­sonne ne don­nant des ordres, et tous unis, par l’en­tente libre.

On a dit, répé­té, rabâ­ché que les anar­chistes sont réfrac­taires, par défi­ni­tion, à toute orga­ni­sa­tion. Rien n’est plus faux. Voi­là près de qua­rante ans que je milite avec les anar­chistes ; je les ai tou­jours vus consti­tués en groupes ; et j’ai tou­jours vu ces groupes reliés entre eux.

Seule­ment, jaloux de leur indé­pen­dance qu’ils consi­dèrent avec rai­son comme le plus pré­cieux de tous les biens, ils ont constam­ment refu­sé de se pla­cer sous la tutelle d’un Comi­té Direc­teur ; ils se sont inces­sam­ment gar­dés d’un cen­tra­lisme qui, tôt ou tard, eût été oppres­seur ; ils ont tou­jours fui comme la peste la dis­ci­pline impo­sée, héris­sée de sanc­tions et de contraintes.

C’est pour­quoi, de la base au som­met, de l’in­di­vi­du au grou­pe­ment local, de celui-ci à la fédé­ra­tion régio­nale et de cette der­nière à l’Union anar­chiste, règne la plus entière liber­té. L’or­ga­ni­sa­tion anar­chiste repose ain­si sur le plus pur fédéralisme.

* * * *

L’al­ti­tude des anar­chistes envers les Par­tis poli­tiques est défi­nie avec une mer­veilleuse pré­ci­sion. Leur décla­ra­tion est for­melle : ils rejettent désor­mais toute idée d’en­tente, même momen­ta­née, même en vue d’un but pré­cis, avec quelque orga­ni­sa­tion poli­tique que ce soit. Ils sont réso­lus à ne plus comp­ter, en toutes cir­cons­tances, que sur leurs propres forces.

Mais les anar­chistes ont soin d’é­ta­blir entre les chefs et les masses que ceux-ci régentent une dis­tinc­tion néces­saire parce qu’é­qui­table. Les liber­taires ont et ils expriment le ferme espoir que les véri­tables révo­lu­tion­naires, momen­ta­né­ment four­voyés dans les Par­tis poli­tiques, n’hé­si­te­ront pas, mal­gré les chefs, à joindre leurs efforts aux leurs pour toute action révolutionnaire.

En revanche, les anar­chistes sont prêts par­ti­ci­per à toute action réa­li­sée par le peuple pour son émancipation.

« Tou­jours avec le peuple ; contre les chefs tou­jours ! » Comme cette asser­tion vient bien en conclu­sion de ce qui précède !

* * * *

Reli­sez, je vous prie, la réso­lu­tion adop­tée au Congrès de Lyon au sujet du Syn­di­ca­lisme. Puis, si vous en avez. le cou­rage et si vous bra­vez la migraine, reli­sez les décla­ra­tions issues, depuis près de vingt ans, de tous les Congrès socia­listes et com­mu­nistes. Vous com­pa­re­rez ensuite et vous serez frap­pés de l’obs­cu­ri­té qui règne ici et de la clar­té qui brille là.

Je sais bien que, se voyant obli­gés de renon­cer à leur rêve de mise en tutelle des syn­di­cats, les Par­tis qui se flattent d’être l’ex­pres­sion poli­tique de la classe ouvrière, ne manquent pas — ils l’ont déjà fait, ils le font encore — de tout mettre en œuvre pour sous­traire le Syn­di­ca­lisme à l’in­fluence des cou­rants anar­chistes et pour le mettre en garde contre la pro­pa­gande que font et l’ac­tion que mènent les liber­taires au. sein des grou­pe­ments syn­di­caux. Mais j’ai confiance que leurs efforts res­te­ront vains.

Son­gez que, « en matière éco­no­mique, l’a­nar­chisme repose sur les prin­cipes sui­vants : tous les moyens de pro­duc­tion et l’or­ga­ni­sa­tion de celle-ci doivent appar­te­nir aux pro­duc­teurs. Les tra­vailleurs sont les seuls maîtres de leurs des­ti­nées. Toute orga­ni­sa­tion. sociale doit par­tir de la cel­lule : l’in­di­vi­du, le pro­duc­teur, se grou­pant libre­ment et res­tant tou­jours auto­nome dans les orga­nismes suc­ces­sifs et coor­don­nés qui carac­té­risent et consti­tuent le Fédé­ra­lisme.»

Rap­pro­chez, main­te­nant, ces prin­cipes pure­ment liber­taires de ceux du Syn­di­ca­lisme, des élé­ments qui com­posent les effec­tifs ouvriers, de l’or­ga­ni­sa­tion fédé­ra­liste des syn­di­cats et des fins posi­tives du mou­ve­ment cégé­tiste ; alors, il suf­fi­ra de ce simple rap­pro­che­ment pour vous convaincre que l’a­nar­chisme trouve dans le Syn­di­ca­lisme son expres­sion éco­no­mique ; qu’ain­si sur le ter­rain de l’ac­tion ouvrière, syn­di­ca­lisme et anar­chisme se confondent et qu’il est impos­sible de péné­trer loya­le­ment jus­qu’au cœur du Syn­di­ca­lisme, sans y ren­con­trer l’Anarchisme.

En sorte que les Anar­chistes syn­di­cables ont leur place dans ce grou­pe­ment natu­rel, ins­tinc­tif et, en quelque sorte ani­mal qu’est le Syn­di­cat, qu’ils y doivent péné­trer, res­ter et militer.

Je vous signale ces lignes par les­quelles ter­mine cette par­tie des résolutions :

Le Congrès ne doute pas que les cama­rades res­te­ront dans les syn­di­cats les repré­sen­tants de la belle phi­lo­so­phie et de l’ac­tion révo­lu­tion­naire dont ils sont les adeptes, les ser­vi­teurs pas­sion­nés et dés­in­té­res­sés du pro­lé­ta­riat contre les maîtres, les pro­fi­teurs et les para­sites quels qu’ils soient.

En consé­quence, les anar­chistes doivent évi­ter les fonc­tions rétri­buées, les postes rému­né­ra­teurs, en un mot tout ce qui pour­rait prê­ter à équi­voque et affai­blir la puis­sance et le rayon­ne­ment de leur propagande.

Ici, comme ailleurs, les anar­chistes se dévouent pour éclai­rer et gui­der les hommes ; ils dédaignent le récom­penses et méprisent les honneurs.

Peut-on trou­ver expres­sion plus fière et plus noble du sen­ti­ment pro­fond que nous por­tons au cœur ?

* * * *

Je m’ar­rête. Je ne vou­lais qu’é­non­cer ― sans les déve­lop­per — quelques obser­va­tions. Je me suis lais­sé empor­ter par l’in­té­rêt puis­sant de mon sujet ; c’est mon excuse.

La Revue Anar­chiste fait siennes les Réso­lu­tions du Congrès de Lyon. Elle les approuve plei­ne­ment. Ces réso­lu­tions, pen­sée libre et una­nime des cama­rades réunis à Lyon, sont comme la charte dont pré­sen­te­ment s’ins­pirent tous les com­pa­gnons. Cette charte nous isole quelque peu ; c’est le sort de tous ceux qui, dans ces temps de confu­sion­nisme, de renie­ment et d’a­po­sta­sie, luttent à visage décou­vert et tiennent pour abdi­ca­tion par­tielle toute com­pro­mis­sion, toute équi­voque, toute atti­tude sans franchise.

Ne nous mon­trons ni de dos, ni de pro­fil ; mon­trons-nous de face ; ne mar­chons pas dans l’ombre, mais en pleine lumière. Ne trom­pons per­sonne et, sur­tout, ne cher­chons pas à nous trom­per nous-mêmes.

* * * *

Peut-être — et, encore, qui sait ? ― serons-nous moins nom­breux, mais nous serons meilleurs. Qua­li­té vaut mieux que quan­ti­té. Quelques mil­liers d’hommes qui savent clai­re­ment ce qu’ils veulent et le veulent avec viri­li­té, constance et pas­sion, consti­tuent une valeur autre­ment puis­sante qu’un trou­peau obéis­sant à la hou­lette des bergers.

Sou­te­nue par la fer­me­té de leurs convic­tions, sou­le­vée par l’in­tré­pi­di­té. de leur cœur et empor­tée par l’en­thou­siasme, une poi­gnée d’hommes, ayant entière confiance les uns dans les antres, peut bou­le­ver­ser le monde.

Les anar­chistes sont cette poignée.

Sur­sum cor­da ! Haut les cœurs !

Sébas­tien Faure


Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom

La Presse Anarchiste