La Presse Anarchiste

Les Femmes et le Féminisme

« Nous sommes les égales des hommes ». Ayant dit, les fémin­istes ont revê­tu un com­plet veston, coif­fé un feu­tre mas­culin, et, chaussées de hautes bottes, elles envahissent salles de rédac­tion et meetings.

Sous pré­texte de rédemp­tion et de par­don, fidèle à sa doc­trine basée sur la char­ité et non sur la jus­tice. Le chris­tian­isme pré­ten­dit rédimer la femme coupable du péché orig­inel, c’est-à-dire de beauté et de volup­té. Il la plaça dans cette sit­u­a­tion dif­fi­cile et bizarre d’avoir à choisir entre l’au­réole ou la servi­tude ; la femme sor­tait du gynécée, mais pour entr­er à la cui­sine ou au cou­vent ; elle n’avait rien gag­né que cette hérédi­taire humil­ité et cet esprit mys­tique qui pèsent encore sur ses épaules.

La croy­ance a dis­paru peu à peu, mais hyp­ocrite­ment, les bour­geois ont con­servé de la morale, ce qui était pro­pre à leur garder des épous­es dociles, sans pen­sée, reflé­tant à mer­veille leur per­son­nal­ité falote et leurs petits égoïsmes.

Une bonne hérédité d’esclavage pèse ain­si sur toutes les femmes, et même les plus hardies mil­i­tantes sont trop sou­vent enclines à cette admi­ra­tion de la force qui jetait les femmes dans les bras des guer­ri­ers vain­queurs. La vio­lence les ani­me à l’é­gard des mâles ; mod­ernes ama­zones, les plus « avancées » d’en­tre elles s’avèrent com­bat­ives, et, après que les suf­fragettes anglais­es eurent affir­mé leurs droits en brisant les glaces des bou­tiques et en crevant les toiles au Salon, on enten­dit Lucie Col­liard, paci­fiste, com­mu­niste, affirmer sa foi en le mil­i­tarisme régénérateur.

Nous ver­rons plus tard ce que pour­rait être l’at­ti­tude des femmes dans cette époque d’en­fan­te­ment douloureux qu’est une péri­ode révo­lu­tion­naire ; mais, dès main­tenant, nous affir­mons que telle n’est pas notre con­cep­tion du rôle féminin.

La véri­ta­ble femme dédaign­erait les « ismes » à la mode, créa­trice de vie, elle aimerait par dessus tout la vie et craindrait tout ce qui peut lui nuire ou la détru­ire. Com­pagne de l’homme de son choix, elle vivrait à ses côtés ou bien indépen­dante selon son désir, ayant sa tâche, dif­férente, mais non inférieure ou supérieure et voy­ant dans la dif­férence des sex­es, des motifs non de lutte, mais d’harmonie.

Dans un monde logique, la femme — égale de l’homme en droits et en devoirs — pour­rait, tout comme lui, peu­pler ses loisirs de préoc­cu­pa­tions intel­lectuelles et artistiques.

En sci­ence, en art, des femmes surent égaler la fac­ulté créa­trice des hommes. Sans s’in­quiéter de leurs droits, con­scien­cieuse­ment, pro­fondé­ment, elles ont tra­vail­lé, appor­tant leur part au pat­ri­moine humain. D’autres que ne ten­tèrent point des prérog­a­tives jusqu’i­ci mas­cu­lines surent, pour leurs proches, dans leur milieu social, être un exem­ple de bon­té souri­ante, d’in­tel­li­gent bon sens. Celles-là sans trav­es­tisse­ment, sans com­bat, sans lutte furent sœurs des meilleurs d’en­tre les hommes.

Voilà, chères lec­tri­ces, le fémin­isme qui nous, tente, dont nous nous occu­per­ons, que nous étudierons dans toutes ses man­i­fes­ta­tions : indi­vidu­elle, sociale, artis­tique, etc.

La femme a des droits, tout comme des devoirs, mais ils sont en rap­port avec sa psy­cholo­gie, sa phys­i­olo­gie, tout de même dif­férentes de celles de l’homme, et si beau­coup d’en­tre elles ont dû vivre d’une vie qua­si-mas­cu­line, partager des labeurs mas­culins, c’est une sit­u­a­tion de fait qu’il con­vient d’en­vis­ager, d’amélior­er, mais qu’il ne sied peut-être pas d’ériger en principe. Que toutes les places soient ouvertes aux femmes, bien ; mais mieux encore qu’elles sachent et puis­sent choisir celle qui leur con­vient et qu’elles se sou­vi­en­nent que mieux vaut lut­ter con­tre l’or­dre social, aux côtés des hommes que lut­ter con­tre ceux-ci. Cette bataille des sex­es ne peut que désor­gan­is­er les forces sub­ver­sives qui détru­isent la vieille société bour­geoise qui opprime indis­tincte­ment les hommes et les femmes.

Hen­ri­ette Marc

Nota. — Nos com­pagnes sont priées d’en­voy­er tout ce qui con­cerne la rubrique fémi­nine, notes, arti­cles, ren­seigne­ments, etc., à Hen­ri­ette Marc, Revue Anar­chiste.

Il sera ren­du compte de tous les livres féminins qui lui seront adressés ain­si que de toutes man­i­fes­ta­tions féminines, artis­tiques ou autres sig­nalées en temps utile.


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